L’homme communique de moins en moins avec son voisin. Les machines s’interconnectent, contribuant à créer une nouvelle société. Pour en garder la maîtrise, l’homme doit en comprendre les mécanismes et les enjeux. Quelle est notre capacité culturelle à nous adapter à la révolution des outils ?
Tout au long de l’Histoire, les outils ont toujours, au départ, été accaparés par les actifs, les responsables, bien que leur appropriation culturelle ait toujours été en décalage avec l’apparition de ces outils. Aujourd’hui, ce sont les jeunes qui s’emparent des technologies d’information et de communication, alors que les décideurs (les 40/50 ans) restent méfiants. Une méfiance engendrée par tout ce qui découle d’un nouvel outil : remise à niveau, formation, pertes d’emploi. Selon Henri Trégouet,le résultat pourrait être une fracture inter et intra générations, entre réceptifs et non-réceptifs. D’où le rôle du responsable de la Cité par rapport à ce problème. Il doit prendre conscience que l’outil numérique va faire muter notre société en profondeur : « La révolution technique qui est en marche – sophistication, puissance et miniaturisation de l’outil – aura une incidence forte sur l’organisation progressive de la planète« . Outil précieux, puisqu’il permettra à chacun d’ »avoir du savoir, et de recevoir du signal ». Aujourd’hui, cette prise de conscience n’a pas lieu, alors qu’elle devrait être l’élément moteur de cette mutation. En outre, les batailles industrielles de continents à continents, vont voir l’émergence de pays nouveaux et inattendus, tels que l’Afrique du Sud, le Maghreb, ou les NPI d’Asie. Sujet sur lequel les politiques doivent également se préparer. Sans parler du débat sur les nanosciences, dont les applications quotidiennes ne concernent plus uniquement scientifiques et ingénieurs…
Par ailleurs, la démocratisation du numérique va-t-elle condamner des supports tels que la presse écrite ? Pour Jacques Saint-Cricq, Directeur du Groupe Centre Presse, la réponse est « non, bien au contraire ». En effet, la presse détient un rôle majeur dans la révolution numérique : aider les citoyens à mieux comprendre et à mieux vivre la société. Elle doit faire comprendre à des lecteurs ce qui va leur arriver. En outre, les journaux resteront détenteurs d’une masse considérable d’informations, qui seront utilisées pour remplir les nouveaux outils numériques. Enfin, « la presse devra être génératrice d’offres vers les usagers, accélerer la réflexion sur ce qu’on veut apporter aux hommes, et réduire le délire numérique si elle veut être utile, pour la structuration future de ces nouveaux outils ». Pour le philosophe Alain Etchegoyen, les propos sont plus tranchés. D’une part, il n’a pas l’impression que ses enfants verront beaucoup de changements. D’autre part, selon lui, au cours de l’histoire des Sciences et Techniques, on a constaté trois discours : celui du scientifique, celui qui fait ; celui du technologue, celui qui commente ; et celui du résistant, celui qui conteste. Selon lui, notre méfiance doit se porter sur les discours et non sur les outils qui, s’ils ne sont pas un danger, posent néammoins certaines questions.
Des questions d’ordre individuel – « Que fais-je de ce temps que je gagne ? » – et collectif – « Comment la Cité décide-t-elle d’empêcher des usages contraires aux valeurs ? » – Pour J. Cavada, les maître-mots sont « optimisme, et confiance dans l’Homme » même s’il rappelle que les grandes découvertes – l’atome, le gène – ont autant servi à faire le bien que le mal. Il ne croit pas à l’esclavage de l’individu par ses outils; Soit il saura les dominer, soit il les détruira. Se pose toutefois un problème d’autorité et de contenu, saura-t-on maîtriser ce qu’on va découvrir avec ces nouvelles technologies ? Et d’un point de vue démocratique, qui va posséder, qui va transmettre ? Tout cela n’est pas neutre.
Le Président de la Cinquième rejoint Henri Trégouet, en affirmant que c’est au politique de permettre un accès au plus grand nombre. Finalement, c’est Alain Etchegoyen qui résume le mieux l’opinion générale par ces mots : « La communication numérique est à la Communication ce qu’est le Casanova de Fellini au sexe. Quand on veut en faire un maximum dans un minimum de temps, on fini par en perdre le sens. »