Commentaire de Roger Chartier, professeur au Collège de France, sur les « Lumières numériques » :
Effectivement cette phrase m’apparaît comme une phrase clé dans la compréhension de l’avenir de nos Sociétés qui sont/seront numériques. Si « l’histoire a perdu un peu aussi cet optimisme projectif qui était celui des Lumières où le dessein du futur pouvait être considéré, à la manière de Kant, comme l’achèvement du processus de l’Aufklärung, des Lumières, ou pouvait être, à la Condorcet, comme un progrès constant de l’esprit humain », on peut s’interroger sur le « dessein du futur » de nos Sociétés, que, justement, les stratèges, managers, investisseurs, concepteurs et développeurs de nos espaces numériques façonnent maintenant pour notre avenir commun.
« Dépourvus des leçons du passé et privés d’une vision optimiste de l’avenir » pour la société, ne se sont-ils pas en fait, comme les historiens « et peut-être tous les citoyens, « retirés ou renfermés sur le présent » sous couvert de pragmatisme ? Ils sont « absorbés » par le présent alors qu’ils inventent pour l’avenir et qu’ils devraient « rendre plus lointain ce qui est immédiatement partagé ». Fuyant, ils préfèrent le triomphe de la quotidienneté où il faut penser, pas trop, au bon moment. Exercent-ils « un rôle de critique du fonctionnement social ou de l’institution »? S’ils le faisaient, « sans doute y aurait-il des réponses infiniment plus variées, différentes, des modèles individuels de sortie de l’aporie ou de la tension » à l’heure par exemple du Big Data.
C’est un rapide témoignage pour remercier le Prof. R. Chartier de son courage et de son humilité et pour montrer combien il est important pour l’émergence des Lumières numériques.