Ne pas oublier que , dans le dernier paragraphe, l’argumentaire pèche par omission : « Pour les fournisseurs d’accès, les enjeux financiers sont énormes. Ils expliquent qu’ils dépensent des milliards de dollars pour moderniser leur réseau face à l’explosion du trafic. Si personne ne paie, poursuivent-ils, ils ne seront plus capables d’effectuer ces indispensables investissements. Ils assurent aussi être en faveur d’un Internet « libre », promettant la création de « voies ultra-rapides » qui viendraient s’ajouter aux actuelles « voies rapides ». En clair, les internautes seraient, selon eux, aussi gagnants. »
Il est faux de dire que personne ne paie : c’est l’abonné qui paie, d’une part, et le fournisseur de service (google, Netflix, etc.) qui paie, d’autre part. Le fournisseur de services paie d’ailleurs proportionnellement à sa consommation de données (sa bande passante). Ce que voudrait le fournisseur de services, c’est la possibilité de payer plus pour que, en cas d’encombrement du réseau, ses données soient prioritaires sur les autres.
Pour prendre une métaphore, c’est un peu comme si on construisait, en plus des 3 voies habituelles, deux voies supplémentaires sur autoroute, qu’on limitait l’usage de ces voies aux abonnés premium, et qu’on vendait l’abonnement premium aux enchères. Un transporteur routier avec une bonne assise financière pourrait alors faire monter les enchères suffisamment haut pour empêcher les concurrents d’utiliser les nouvelles voies, ce qui lui procurerait un avantage indu les jours d’encombrement et empêcherait l’émergence de toute concurrence (pourquoi faire appel à un petit nouveau quand il est moins fiable que l’acteur historique ?).
Il est intéressant de rappeler que la neutralité du net a commencé comme un impératif technique : il n’y avait pas assez de puissance de calcul pour lire les paquets de données en cours de transit et les prioriser, donc les paquets de données suivaient la règle « premier arrivé, premier retransmis ». De nos jours, la puissance de calcul a augmenté et certains géants ont envisagé de petites combines comme placer leurs serveurs directement dans les routeurs des fournisseurs d’accès(les échangeurs, sur notre voie d’autoroute métaphorique). Ce qui a commencé comme un impératif technique a permis l’émergence d’un marché ultra-concurrentiel, car un service était jugé uniquement sur sa qualité, non sur des considérations annexes (ici, l’ancienneté ou le portefeuille). C’est ce qui est en jeu : veut-on continuer avec un Internet où la qualité soit le seul critère d’évaluation, ou veut-on donner une prime aux plus anciens et leur permettre de verrouiller le marché ?
Plus sérieusement… Le débat sur la neutralité du Net n’a pas bougé d’un pouce depuis des années, avec les mêmes acteurs défendant les mêmes positions. Trump reste fidèle à lui-même en nommant quelqu’un qui va déréguler et favoriser les grosses entreprises historiques, au détriment des entreprises de la silicon valley (un peu) et des usagers de base (beaucoup mais on s’en fout ils ont déjà voté)
Je suis surtout inquiet que ça ne donne des ailes à nos propres opérateurs… Ce n’est pas comme s’il ne l’avaient pas déjà fait (Xavier Niel, si vous m’entendez…) ou s’ils n’avaient pas déjà prévus de le faire de bout en bout (Orange!)